Voici une lettre qu'on retrouve en épilogue que j'ai adressée à mes grands-parents

 

Chers Grand-père et Grand-mère,

Cinq années se sont écoulées depuis que je me suis lancée dans ce projet fou : raconter votre histoire. Aujourd'hui, alors que je tiens entre mes mains le manuscrit achevé marquant le début du roman de votre vie, je suis submergée par un mélange d’émotions. Un sentiment d'accomplissement, bien sûr, mais aussi une certaine appréhension qui vient probablement du fait que je ne vous ai jamais connus.

Je suis consciente de n’avoir pu retranscrire la réalité dans son exactitude absolue. J'ai pris des libertés artistiques, comblé des lacunes avec mon imagination et commis, sans doute, des erreurs. Je vous prie de me pardonner pour ces écarts par rapport à la vérité.

Grand-père, c'est votre folle escapade au Yukon qui a fait jaillir en moi l’étincelle à l’origine de ce récit. Votre obsession d’améliorer le sort de votre famille en participant à la ruée vers l’or a nourri mon imaginaire et m'a donné l'envie de prendre la plume pour immortaliser votre histoire. Car il faut bien le dire, ce ne sont pas tous les grands-pères qui ont vécu une telle expérience! Sans cette fascination, je n’aurais pas eu d’histoire à raconter.

Grand-mère, ce roman est votre histoire autant que celle de Grand-père. En la rédigeant, j'ai eu à cœur de mettre en lumière votre rôle crucial dans cette aventure familiale. En tant que féministe, je ne peux qu’être remplie d’admiration pour votre résilience face aux épreuves que vous avez traversées. Je pense aux défis immenses que vous avez dû relever à une époque où les femmes étaient majoritairement cantonnées à la sphère domestique. La société imposait alors aux femmes des rôles restreints, les considérant avant tout comme des reproductrices, des gardiennes du foyer et des épouses dévouées au soutien indéfectible de leur mari. Vous avez assumé avec brio la responsabilité de la maison, des enfants et de la ferme en l'absence de Grand-père, faisant preuve d’une force de caractère et d’un courage qui commandent le respect.

Je suis consciente, Grand-mère, que le changement de votre prénom, d'Albina à Léonie, pourrait vous surprendre, voire vous déplaire. J'avoue avoir pris cette liberté artistique afin de vous donner une identité plus littéraire et poétique. J'espère que vous comprendrez ma démarche et que vous reconnaîtrez dans ce personnage fictif la femme extraordinaire que vous avez été. Quoi qu'il en soit, sachez que ce roman est un hommage à votre mémoire et à tout ce que vous avez accompli.

Grand-père, Grand-mère, après cinq années de recherches approfondies sur l’époque à laquelle vous avez vécu et sur la ruée vers l'or, j'ai enfin réussi à achever le premier tome de votre histoire. Il est le fruit de mon travail acharné, mais surtout, il est le reflet de votre incroyable existence. En décrivant vos joies, vos peines et vos combats, j’ai tenté de capturer l'essence même de vos âmes et de retracer le mieux possible vos parcours uniques.

Vous qui reposez en paix depuis de nombreuses années, veuillez me pardonner de vous avoir « redonné vie » dans ces pages. Mon intention n'était nullement de troubler votre repos, mais plutôt de partager votre histoire singulière avec les générations futures.

Ce roman est autant le vôtre que le mien. Il est le fruit de notre lien familial et de l'héritage que vous avez transmis à tous vos descendants. J'espère qu'il vous plaira, même si je sais que mes mots ne pourront jamais dépeindre parfaitement la réalité de vos vies.

Votre petite-fille

Cécile Charbonneau